Au lendemain d’une première journée consacrée au rock celtico-médiéval, le Motocultor entame son rythme de croisière pour trois jours de metal sous une météo très capricieuse.
Après un passage à l’espace VIP dès mon arrivée, histoire de retrouver quelques complices photographes et de prendre les dernières nouvelles du festival, je commence cette deuxième journée du Motocultor en me ruant à la Supositor Stage, juste à temps pour y couvrir Waking the Cadaver (reformé après s’être séparé en 2013). Résultat des courses pour ces californiens adeptes du death metal : un set dynamique, puissant mais assez court, géré à la manière d’un sprinteur et non d’un coureur de fond.
Je continue sur ma lancée en direction de la Dave Mustage, sur laquelle joue Not Scientists. J’ai découvert ce groupe cette année à La Voix du Rock et je me souviens que leur punk rock mitonné d’une touche d’indie m’avait peu touché. Je ressens la même chose aujourd’hui et la mayonnaise préparée par ces lyonnais ne prend pas. Pour autant, le public, contrairement à moi, est plutôt réceptif et se met rapidement à bouger. Après ce concert assez quelconque à mon goût, j’enchaîne directement avec Iron Reagan. Ah, oui, là c’est bon, cela bouge carrément ! Ces américains sortent le grand jeu et les festivaliers ne sont pas en reste : circles pits et autres slams naissent spontanément au milieu de la foule massée contre les crash barrières. Passé cet électrochoc qui me met d’aplomb pour la suite, je cours vers la Dave Mustage qui accueille les vétérans de Death Angel. Leur concert est remarquable en tout point : trash savamment et puissamment joué, débauche d’effets de lumière, musiciens en symbiose avec le public en délire. Un très bon moment du Motocultor !
Quelques minutes plus tard et dans un tout autre registre, Ange nous propose un rock progressif planant et éthéré face à des festivaliers de tous les âges. Il est vrai que ce groupe français arpente la scène depuis 1969, de quoi séduire un public très hétéroclite. Christian Décamps, au chant, semble transporté et donne beaucoup. Il en résulte un moment très agréable et plutôt surprenant, que je suis toutefois obligé d’écourter pour me propulser aussi rapidement que possible devant la Supositor Stage, sur laquelle Tribulation (dont on m’a dit le plus grand bien) joue sur le même créneau horaire. Qu’il est judicieux d’écouter ses amis : je prends alors LA baffe de la journée ! J’adore ! Les suédois s’en donnent à cœur joie, et tout particulièrement le guitariste Jonathan Hulten, dont l’allure assez androgyne est renforcée par la danse lancinante qu’il réalise, en fusion totale avec sa guitare, ajoutant alors une touche hypnotique au concert, pour le plus grand bonheur du public qui adhère totalement et en redemande ! Alors que le ciel commence à s’assombrir sérieusement, je continue mon « périple musical en Suède » via Soilwork, dont le concert, bien que correct malgré une qualité sonore assez irrégulière, ne restera sans doute pas dans les annales. Nettement plus réussie est la prestation des allemands de Kadavar, même s’ils jouent très fort leur hard rock « old school » teinté de stoner aux consonances psychédéliques, avec une mention spéciale au batteur Christoph « Tiger » Bartelt, littéralement transporté, cheveux longs et barbe touffue au vent. Superbe !
Je poursuis avec Hypocrisy, véritable monument du death metal qui tourne depuis 1990. Les suédois (et oui, encore) nous gratifient d’un superbe concert, en accord avec le ciel qui se déchaîne aussitôt. L’orage gronde alors que les notes pleuvent sur scène et que la voix sublime de Peter Tägtgren alterne growl et notes les plus aiguës avec une aisance quasi surnaturelle. Je vis en cet instant un moment d’anthologie que je ne suis pas prêt d’oublier. Avant la fin du concert, la pluie se joint à la fête et le terrain de jeu se transforme rapidement en marre de boue. Je déambule tant bien que mal en direction de la Supositor Stage, des kilogrammes de glaise collées aux semelles, pour y couvrir Gaahls Wyrd, tandis que le pit photo s’est mué en patinoire brunâtre. Qu’importe, les norvégiens font fi des conditions météorologiques désastreuses et jouent. Les trombes d’eau qui déferlent sur le public mais aussi en partie sur la scène donnent à l’événement une atmosphère surréaliste. Bien que trempé, les festivaliers approuvent la détermination du groupe même si la prestation est finalement écourtée pour ne pas exposer trop longtemps le matériel aux intempéries. Tandis que la pluie redouble d’intensité et que la situation empire, je décide de clore cette deuxième journée de festival par ce moment épique à graver dans le marbre.
Texte et photos : Pascal Druel
Diplômé de l’Ecole Nationale Supérieure Louis Lumière, amoureux d’images et photographe au quotidien, j’explore depuis plus de 30 ans la photographie sous diverses formes (prise de vue, développement et tirage argentique, contrôle qualité, repique, traitement et retouche numérique, graphiste, prise de vue, formateur, photographe indépendant). En outre, je collabore occasionnellement avec Chasseur d’Images (magazine pour lequel j’ai été rédacteur pendant une douzaine d’années), signe des ouvrages (publiés aux Editions Eyrolles), réalise de multiples prestations photographiques (books, reportages, mariages) et couvre en images de nombreux festivals et concerts (150 à 200 scènes par an).