iamthemorning – The Bell

Artiste : iamthemorning
Album : The Bell
Année : 2019
Label : Kscope
Style : musique progressive de chambre

Imaginez la rencontre du romantisme avec le rock progressif des seventies, dans un écrin de douce folie, teinté d’une poésie d’influence victorienne.

Iamthemorning est composé du noyau permanent de Marjana Semkina (chant) et de Gleb Kolyadin (piano, claviers), la formation originaire de Saint-Pétersbourg  se produit quelques fois en duo, mais pour la plupart de leurs représentations ils sont accompagnés, dans diverses combinaisons, d’une guitare acoustique, d’une basse, d’une batterie, d’un quatuor à cordes et nombre d’instruments d’orchestre, y compris la harpe.

The Bell quatrième album du groupe, présente une pochette (oeuvre de Constantine Nagishkin) sur laquelle nous découvrons un cimetière victorien, au centre duquel trône une pierre tombale ornée d’une clochette reliée à un cable. Marjana explique l’illustration dans une interview pour Kscope : « Sur la couverture c’est une cloche de sécurité ; c’est une idée du XIXe siècle née de la peur obsessionnelle des gens d’être enterrés vivants, provoquée par la presse sur des cas supposés d’enterrements prématurés à travers le pays, et le fait qu’Edgar Allan Poe ait effrayé de nombreux lecteurs en décrivant vivement le phénomène de l’enterrement prématuré dans ses nouvelles. […] L’une des inventions pour échapper à une telle épreuve était un soi-disant« cercueil de sécurité », qui existait dans de nombreuses configurations différentes. Y compris celle qui avait une cloche attachée à la pierre tombale, reliant avec un fil le cercueil pour que la personne se réveillant et réalisant qu’elle ait été enterrée vivante, pourrait sonner pour signaler aux gens ce qu’il s’est passé. »

«Bien que l’idée soit un peu morbide, je pense qu’il y a de l’espoir dans l’illustration ; peu importe votre état d’esprit ou la situation désespérée dans laquelle vous êtes, vous pouvez toujours demander de l’aide, mais plus encore si vous en avez besoin »

Dès les premières secondes une harpe et la voix de Marjana nous entraînent dans un univers envoûtant, d’une ambiance particulière, comme un clair-obscur d’espérance et d’incertitude. A l’écoute des textes, vient la question du thème de l’album. J’y retrouve, d’une façon moderne avec de multiples influences, un cycle de chansons, comme le fûrent les lieder et les mélodies au XIXe siècle.

« La cloche est divisée en deux parties mais chaque chanson est une histoire à part entière, toutes alimentées par la cruauté humaine et la douleur qui en résulte. La cruauté est le thème central de l’album ; ainsi que toutes les différentes façons d’y répondre et d’y faire face. Cet album comporte plusieurs profondeurs et constitue, à bien des égards, un voyage vers l’intérieur, nous entraînant dans l’esprit d’une personne souffrant de violence, de négligence ou d’hostilité ouverte de la société, ou d’une personne en particulier. […]Esthétiquement, il est basé sur des thèmes empruntés à l’art et à la culture de l’Angleterre victorienne, de façon à attirer notre attention sur le fait que, fondamentalement, l’humanité ne fait pas beaucoup de progrès en termes de maturité émotionnelle. »

Les titres passent , le bruit d’une clochette, à la fin de Black and Blue me tire de cette ténébreuse poésie. Nous enchaînons sur Six Feet, avec ce climat symphonique qui nous emporte vers une seconde partie de l’album où le piano de Gleb sera plus en avant, nous offrant un ambiance plus intimiste, avec des mélodies aux arrangements toujours plus somptueux.

Après leur précédent opus studio Lighthouse, primé album de l’année aux prog awards en 2016, le duo fusionnel a mis la barre très haut, et vient de la franchir avec aisance. Cet album magnifique, virtuose sans être démonstratif, d’une cohérence sans failles, nous retient du début à la fin dans un maelström de néo-romantisme, de folk anglais et de musique progressive.

Quentin Lefèvre