C’est avec beaucoup de plaisir que j’ai pu assister le 18 novembre 2022 au concert de Heilung à L’Olympia. Seulement la « prod » n’ayant pas reçu ma demande d’accès press, je n’ai pas au accès au pit photo. J’ai donc été contraint de photographier depuis la fosse. J’ai toutefois eu la chance que l’Olympia me laisse passer avec mon matériel photo sans être accrédité. Cela étant dit, j’ai pu tirer parti de cette distance pour avoir des prises de vues différentes de celles des autres photographes. Vous en verrez une ou deux floues, je les ai volontairement choisies car elle représentent particulièrement le côté shamanique du spectacle.
Cette soirée était riche en émotions car j’ai pu profiter de 2 premières parties au registre très similaire à l’univers d’Heilung. Deux groupes qui ont été de belles découvertes pour moi, même si j’ai cru comprendre qu’ils avaient déjà leur lot d’adepte : Lili Refrain et Eivør.
LILI REFRAIN
En démarrage, c’est l’italienne Lili Refrain qui nous à embarqué dans son univers tribal. Seule, maquillage tribal rouge, vêtements noirs accordés à ses longs cheveux noirs, équipée d’une guitare électrique, de quelques percussions et d’une loop station qu’elle maitrise avec brio. Elle nous entraine dans un univers folk païen et psychédélique pendant une trentaine de minutes. Le show n’est pas spectaculaire, on la voit sur scène plutôt comme une DJ expérimentée, mais l’usage de la loop station lui permet d’être totalement indépendante et de vivre son univers exactement comme elle l’imagine. D’après son message de remerciement à la fin de son concert, c’est la première fois qu’elle joue à Paris. On lui souhaite d’avoir l’occasion d’y revenir partager son talent.
EIVØR
Vient ensuite un autre groupe qui était très attendu d’une partie du public. D’ailleurs le merchandising était bien fourni en produits de ce groupe : Eivør. Ce nom ne m’était pas inconnu. En effet, les fans de la série « The Last Kingdom » ou les joueurs de « God of War » ont déjà pu profiter de l’univers vocal et musical de la belle blonde qui nous vient des Îles Féroé. Plutôt statique sur scène, elle alterne régulièrement son accompagnement entre tambour chamanique nordique et guitare électrique. Elle chante de sa belle voix claire en féroïen, anglais, danois, islandais et autres langues scandinaves. Elle à la particularité d’afficher des expressions marquées, presque caricaturales, lors de ces interprétations rendant sont chant plus vivant. Cette ajout de vie s’exprime également par un choix vestimentaire particulier : pantalon en cuir, haut en jersey surmonté d’empiècements épaules et poitrine en cuir faisant penser à un plastron guerrier à la sauce moderne. Par dessus le pantalon, une jupe d’organza (voile translucide aux reflets électriques) qui prend la couleur des lumières, donnant à la chanteuse un aspect iridescent en cohérence avec l’univers mystique de la chanteuse. Son concert est un peu plus long que la première partie mais le plaisir est là, surtout lorsqu’elle annonce qu’elle va chanter quelques chansons qu’elle a produites pour la série « The Last Kingdom » que j’ai vraiment adoré.
Le concert terminé, elle remercie la salle avec son très joli accent scandinave. Le public est ravi puis un entracte de 20 minutes est annoncé pour la mise en place du concert de Heilung.
ENTRACTE
Les 20 minutes paraissent interminables pour les quelques 2000 personnes qui sont venues voir le groupe. La buvette est submergée mais efficace, et quelques essais de réglages lumière/son créent de fausses joies au public impatient. Mais tout vient à point à qui sait attendre. Pour ma part j’ai profité de cette relâche du public pour me rapprocher un peu de la scène mais pas assez à mon gout. Heureusement, je suis équipé d’un objectif Tamron 70-200 f/2.8 monté sur un Canon EOS R qui assure une montée exploitable dans les sensibilités extrêmes. C’est un avantage intéressant des boîtiers hybrides.
HEILUNG
Avant de commencer l’article, pardonnez-moi de ne pas vous détailler les intentions du groupe par rapport à leur parcours ou leur sorti d’album ou autre. En effet, même si je connaissais de nom, je n’ai jamais été très attiré par les registres pagan folk. Je les ai découvert vraiment au Hellfest 2022. Les voir dans un univers scénique m’a permis de mieux comprendre leur démarche même si cette fois-là, je n’ai pas assisté à tout le concert car il me fallait « ingurgiter » ce registre si loin de mon univers. La digestion se passe, tout ça tout ça, et je me surprends à écouter Heilung sur Spotify avec beaucoup d’intérêt et de plaisir. C’est à ce moment là que j’ai acheté ma place pour le concert à l’Olympia. Aparté fini.
Le concert ne commence pas tout de suite. Kai Uwe Faust pratique un rite druidique de purification des lieux, brulant un petit fagot de sauge blanche (peut-être estime-t-il qu’il n’y a pas assez de fumigène ?) et psalmodiant quelques incantations. Il souffle la fumée sur toute la surface de la scène ainsi qu’en direction du public qui reste dans un silence solennel. Quoi qu’on peut entendre s’exprimer de façon grossière et irrespectueuse un membre du public qui ne semble pas au courant de la scénographie. Puis les autres membres : Maria Franz, Christopher Juul, les 3 choristes et les nombreux guerriers danseurs (qui comprennent également des guerrières danseuses), tous ont droit à leur fumigation purificatrice avant que ne commence le concert. Une mise en scène très valorisée par l’usage de costumes ethniques, lances de guerre, maquillages tribaux, instruments et « accessoires déco » étonnants, lumières d’ambiances choisies, etc.
Dans ce spectacle, puisqu’il s’agit d’un véritable spectacle plus que d’un simple concert, les lumières et les chorégraphies ont autant d’importance que la partie musicale. En effet, pour celles et ceux qui ne connaissent pas, les costumes de Maria Franz et de Kai Uwe Faust sont inspirés des tenues des tribus arctiques eurasiennes, avec des bois de cerf sur la tête. Les choristes portent des robes qui sont des reproductions de vêtements de l’ère viking. Quant aux guerriers, toutes et tous torse nu portent des braies de l’ère viking, des maquillages guerriers sur tout le corps, des boucliers et des lances. Les lumières changent tout au long du set selon un code couleur défini pour correspondre à la mise en scène : l’atmosphère générale est à base de gris-vert, les scènes de sacrifice ou de guerre sur une ambiance rouge, la colère guerrière usera d’un jeu stroboscopique, les passages rituels seront marqués par l’absence de spots colorés ou alors par des éclairs violents de flashs qui viendront découper dans la brume les silhouettes des artistes. On aura bien entendu toute une chorégraphie de différentes couleurs pour augmenter l’impact visuel du show.
De nombreuses scènes du spectacles sont dignes d’un montage de générique de série épique, mais en direct, sans aucun montage, et cela grâce au génie de la mise en scène et de la technique lumière qui est orchestrée avec intelligence. Un show de Heilung tient plus d’une comédie musicale que d’un concert avec une bonne mise en scène. Chaque élément visuel et sonore, jusqu’au plus petit détail, est placé pour une raison précise.
Parlons maintenant des éléments sonores, puisqu’il s’agit tout de même d’un concert. Heilung c’est un peu de l’archéologie musicale. En effet nous sommes en présence d’un groupe qui a fait de nombreuses recherches pour proposer son registre. Tout d’abord ses membres chantent des poèmes, des incantations ou des chants de guerre en vieux norois, germanique ancien, latin, etc… Leurs instruments sont rudimentaires avec pour seul élément sophistiqué une platine électronique pour une base d’ambiance. Pour le reste les instruments sont aussi variés que surprenants et basiques : un ravanhatta, des tambours en peau de cerf, des sifflets, des clochettes tibétaines, des hochets en corne de buffle ou en terre contenant des cendres humaines, des percussions en os de cerf ou d’avant-bras humain, etc. Le chant de Maria Franz est clair et vibrant tandis que Kai Uwe Faust chante en diphonique et Christopher Juul chuchote. Ce mélange étrange donne une texture envoûtante à la dimension mystique offerte par les membres du groupe Heilung. Le concert est long, mais pas assez à mon goût. En tant que grand fan de tout ce qui est épique ou mystique, j’ai été happé par l’univers Heilung vers lequel je suis pourtant allé à reculons au départ. La foule est en effervescence tout au long du concert. Pas de pogo mais plutôt une communion avec le groupe qui partage, à l’intention du public, une belle histoire et des rituels purificateurs. On peut considérer d’ailleurs que le public fait partie intégrante de la mise en scène puisqu’il est là, absorbé, comme hypnotisé par toute la mise en scène. Il vibre et frappe du pied comme une marche martiale quand la cérémonie le réclame. Bref, à qui aime ou ne connaît pas Heilung, si vous n’avez jamais eu l’opportunité de les voir sur scène, dites-vous que vous devez absolument y remédier au moins une fois dans votre vie. Heilung nous propose un concert qui n’a rien à voir avec les autres, un spectacle auquel vous participez inconsciemment (sauf si vous êtes épileptique, car l’usage de la lumière stroboscopique est fréquent et puissant). Mais gardez en mémoire que chaque concert d’Heilung auquel vous n’assistez pas est un regret que vous ignorez pour le moment.
Colin Du Mont
Colin Du Mont est un pseudonyme pour Jérémy Beaufrère, photographe autodidacte breton. J’ai commencé mes études dans la mode, par un BEP Couture Floue, agrémenté de diverses formations complémentaires : chapelier-modiste au GRETA de la mode, habilleur-costumier dans les métiers du spectacle, stylisme… Je ne considérais alors mes créations achevées qu’une fois portées et mises en scène. C’est durant cette période que mon attirance pour l’image, latente depuis mon enfance, s’est confirmée au point de devenir une passion. C’est pourquoi je me suis formé à la photographie avec acharnement, en commençant par les bases de l’argentique pour apprendre à réfléchir à l’image, et non à déclencher en rafale et voir ainsi ce que la chance aurait alors attiré dans ses filets. Désormais photographe à mon compte, je me suis spécialisé dans les paysages nocturnes, la photographie de concert et les reportages. Côté musique, j’écoute vraiment de tout avec une grande préférence pour le metal épique et symphonique.