Au matin du troisième jour, le site du Motocultor s’est métamorphosé en champ de boue détrempé que peine à éponger un mince tapis de paille, sans doute déposé dès l’aube par quelques bénévoles courageux. Alors que la glaise épaisse s’agglutine à mes pieds à chaque pas parcouru sur ce terrain « miné », penser au programme de la journée suffit à me donner du baume au cœur.
Après m’être rendu à l’espace VIP en quête des dernières actualités du festival, je me dirige vers la Supositor Stage sous un ciel toujours aussi menaçant qu’il le fut la veille en fin de journée, même si nous bénéficions d’une accalmie en début d’après-midi. Ainsi, bien que le pit photo resait pris l’allure d’une soue, c’est sous une météo relativement clémente que Gronibar entre en scène pour un show grand-guignolesque. Tous les musiciens sont déguisés et j’assiste à un grand « n’importe quoi » dans une ambiance festive, voire délirante. Les morceaux de porngrind du groupe s’enchaînent rapidement et je suis hilare devant ces musiciens qui, de toute évidence, ne se prennent pas au sérieux. Anal Capone, très présent sur scène, déclame ses paroles dénuées de sens tandis qu’une bataille spontanée de boue s’est déclenchée dans le public. C’est donc sous les boules volantes de glaise que je quitte le pit, non sans avoir bien ri et esquivé quelques projectiles improbables (boue, rouleau de papier toilette et autres). Je remonte ensuite le site pour couvrir Fange qui, la dernière fois que je l’avais vu sur scène, au Metal Culture, à Guéret, m’avait laissé un arrière-goût amer. Mon ressenti se confirme dès les premières minutes du set : le chanteur déambule comme un pantin désarticulé, s’égosille à hurler son sludge, casse au passage deux micros, s’ouvre le crâne sans sourciller et explose le dos de son bassiste. S’ensuivent un déferlement de violence gratuite et une ambiance malsaine revendiquée qui, passé le stade de la surprise, me lassent de plus en plus au fur et à mesure des concerts du groupe.
Changement de scène et de style via Harakiri for the Sky qui opère dans un registre oscillant du black metal au post-metal. J’en retiens un bon moment, sans faute de goût, plaisant bien que sans véritable moment fort. Il est cependant vrai que j’apprécie les compositions de ces autrichiens fort sympathiques sur scène. La suite avec Freak Kitchen, formé du trio suédois Mattias Eklundh (chant, guitare), Christer Örtefors (basse, chant) et Björn Fryklund (batterie) qui distille agréablement son heavy metal plutôt technique et teinté de métal progressif : rien à redire, c’est propre !
Après une brève pause au bar VIP vers la fin de l’après-midi, je continue mon périple musical du côté de la Supositor Stage afin d’y couvrir Anaal Nathrakh que je n’ai encore jamais vu sur scène, le groupe se produisant finalement peu dans l’Hexagone. Le show des américains est intense, nerveux et particulièrement rythmé. Les titres, anciens et nouveaux, se succèdent sous les acclamations des festivaliers chauffés à blanc. Le chant de Dave Hunt, alias V.I.T.R.I.O.L., puissant et maîtrisé, alterne adroitement râles graves et notes claires. Entre les morceaux, le charismatique leader harangue même la foule qui, les pieds dans la boue, multiplie les slams et autres joyeuseries. C’est donc enchanté, après avoir vécu l’un des meilleurs moments de la journée, que je m’extrais du pit photo pour me diriger ensuite sous la Dave Mustage ou va commencer le concert de Solstafir. Les islandais nous offrent un excellent set au son parfaitement maîtrisé, dont les morceaux, lancinants et éthérés, véhiculent une atmosphère planante et apaisante, en totale opposition avec les éléments qui se déchaînent au même moment à l’extérieur de la tente. Le déluge s’abat sur le site du festival et la suite s’annonce d’ors et déjà mouvementée et hasardeuse. Après ce moment épique, je me risque sur le sol détrempé et glissant vers la Supositor Stage pour couvrir Decapitated. Les polonais jouent leur death metal sous une pluie battante : un concert survolté, diablement efficace ! Bref j’adore ! Je clos cette journée pluvieuse mais riche d’émotions musicales sous la Massey Ferguscène avec Eyehategod, dont le sludge teinté de doom, me motive pour attaquer dès le lendemain la dernière journée du festival.
Texte et photos : Pascal Druel

Diplômé de l’Ecole Nationale Supérieure Louis Lumière, amoureux d’images et photographe au quotidien, j’explore depuis plus de 30 ans la photographie sous diverses formes (prise de vue, développement et tirage argentique, contrôle qualité, repique, traitement et retouche numérique, graphiste, prise de vue, formateur, photographe indépendant). En outre, je collabore occasionnellement avec Chasseur d’Images (magazine pour lequel j’ai été rédacteur pendant une douzaine d’années), signe des ouvrages (publiés aux Editions Eyrolles), réalise de multiples prestations photographiques (books, reportages, mariages) et couvre en images de nombreux festivals et concerts (150 à 200 scènes par an).